samedi 23 avril 2011

Rapport d'incident 1

Ayant réellement à cœur d’accomplir notre devoir d’offrir à nos élèves de 1ère STI-Mécanique-automobile une authentique ouverture culturelle, et pris dans cet élan de générosité pédagogique, nous n’avions pas saisi ce que le thème de notre sortie à la Bibliothèque Nationale de France pouvait susciter comme risques. En effet, l’exposition à visiter, portant sur le thème du héros (d’Achille à Zidane), inspira à certains de nos élèves les rêves de gloire les plus fous.

Ainsi, plusieurs jours avant notre sortie, Allan Grandin me fit remarquer, par une belle harangue, que lui et une partie de ses camarades n’avaient pas cours le mardi après midi de notre excursion, et que, par conséquent, il sollicitait ma clémence pour le laisser partir plus tôt, dès notre retour en gare de M. Sans doute aurions-nous dû nous apercevoir que cette oraison héroïque ne constituait que les prémices d’exploits bien plus grands, car, lorsque nous avons osé lui demander davantage d’explications sur les raisons de son empressement à nous quitter si tôt, il argua, sans broncher, d’horaires de bus incompatibles avec notre rentrée prévue à 13h30 au Lycée. Encore une fois, nous aurions déjà dû voir qu’il commençait à se faire de notre lycée une image bien carcérale, s’identifiant certainement ainsi à quelque Edmond Dantès…

Magnanime, nous lui avons, bien entendu, répondu qu’il n’y avait aucun obstacle à sa libération, à l’unique condition qu’une autorisation dérogatoire fût signée en bonne et due forme. D’autorisation, il en fut question la veille de notre départ, mais celle qu’il me rendit alors - avec une semaine de retard - n’indiquait rien de plus que celles que ses camarades m’avaient déjà rendues : heure de dispersion : 13h30 ; lieu de dispersion : Lycée Edmond Rostand…

Pendant ce temps, Jonathan Laverdure préféra tenir un silence ferme, mais ne fomentant pas moins une évasion qu’il rêvait sans doute tout aussi héroïque que celle que préparait son camarade…

Finalement, la visite se passa tout à fait sereinement, peut-être un peu trop sereinement : toutes ces figures héroïques qui leur tendaient les bras, attisèrent, je m’en rends compte maintenant, le feu de leurs rêves d’évasion, si bien qu’arrivés dans notre bonne gare de M., Allan Grandin, tel un Che en proie à l’oppresseur impérialiste, renouvela ses exigences, sans condition, et Jonathan Laverdure quant à lui, tel un Jean Moulin voulant échapper à ses bourreaux, profita que j’étais au téléphone avec la vie scolaire[1], pour se cacher parmi la foule descendant des trains et disparaître. Ainsi lorsque le groupe fut recompté une nouvelle fois à la sortie de la gare, les élèves de 1ère STI-Mécanique-auto n’étaient plus que quinze : après avoir endormi notre méfiance, Jonathan avait, sans jamais nous prévenir de ses intentions, vaincu notre surveillance… Ses camarades nous expliquèrent que ce héros d’un nouveau genre venait de nous échapper dans une voiture conduite par sa maman… 


Suivant son exemple, Allan Grandin se fit calme et silencieux, fermé en somme, préparant sa sortie en jouant la capitulation… Mais l’éclat de son héroïsme ne tarda pas à apparaître au grand jour : tandis que nous étions, une nouvelle fois, au téléphone avec la vie scolaire, nous aperçûmes Allan le grand, prenant d’assaut sa propre voiture - voiture qui n’avait jamais rien eu d’un bus aux horaires impossibles… 

Enfin, par une dernière bravade napoléoniesque, se sentant sans doute investi d’une juste colère, ce dernier méprisa avec panache nos gesticulations comminatoires ; et c’est peut-être avec quelque pincement qu’il ne put faire cabrer sa monture automobile… Nous étions faits de toute façon, et nous en fûmes quittes pour un dernier appel à la vie scolaire ; heureusement, les autres héros de la 1ère STI-Méca-auto étaient rassasiés d’exploits…


[1]              Jules Gnocchi venait de se souvenir qu’il avait un mot dans son carnet indiquant qu’il était autorisé à sortir dès notre retour à la gare de M. ; or le mot était bien curieusement signé “Madame Gnocchi” ; et, dans le doute, nous préférions donc demander conseil à la vie scolaire…

N.d.A. : les faits sont presque authentiques mais les noms, non...
(Tristan Clément Nivose)

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