vendredi 21 octobre 2011

Rapport d'incident - 4 : le lapin contre la tortue

Cette semaine et la semaine précédente, alors que mes élèves entraient dans la salle de classe au rez-de-cour, une jeune fille s’est permis, à plusieurs reprises, de frapper à la fenêtre en grimaçant et en interpelant les camarades qu'elle connaissait : une sorte d'invitation à faire l'école buissonnière. 
A la sortie du cours, c’est la même élève qui attendait ses camarades en leur sautant dessus - de joie sans doute - et en tout cas dans un état d’excitation assez avancé. 
Je l’ai à chaque fois sommée de se calmer, en vain. Et, la première fois que je lui ai demandé de venir me donner son carnet de liaison, sa réaction fut immédiate, instinctive : elle tourna les talons, détala à l’autre bout de la cour et disparut. 
Mais, au bout d’un instant, elle revint en trottant, recommença ses pitreries et ses pirouettes. 

A partir de ce moment, dès que j’apparaissais, elle se carapatait à nouveau pour disparaître on ne sait où et réapparaître ensuite toujours aussi sautillante, ne tenant pas en place. 
Nous enjoignait-elle à jouer à une partie improvisée cache-cache ou nous invitait-elle à la suivre dans quelque monde merveilleux où les professeurs danseraient sur les tables et où les devoirs s'écriraient sur des ardoises en pâte à modeler ?
Quoiqu’il en soit certains de mes élèves appréciaient la distraction, riant du "running gag" et laissant déjà leur esprit battre la campagne. 
Quant à moi, en professeur caparaçonné de stoïcisme, je suis resté presque de marbre, sachant qu'il ne sert à rien de courir...

Ce vendredi, j’aperçus la jeune fille au réfectoire, faisant la queue pour remplir son plateau. En me voyant, elle ne put que sourire, gênée, acculée : aucun terrier où se disparaître. Assuré de pouvoir l’emporter enfin, je lui demandai fermement son carnet de liaison, mais elle ne voulut pas me le donner prétextant qu’elle ne l’avait pas : quelque reine de cœur ou de pique lui avait sans doute pris. Elle refusa ensuite de me dire qui elle était. Elle finit toutefois par me donner son nom, malgré elle, lorsqu’elle accepta, après de pénibles efforts de persuasion, de me montrer l’un de ses cahiers où une copie mentionnait son nom et sa classe : Carole Rabit.


N.d.A. : les faits sont presque authentiques mais les noms, non...
(Clément Nivôse)

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