jeudi 6 octobre 2011

Rapport d'incident - 3 : l'herbe de la pampa

Ce jour d’hui, jeudi 06 octobre, Angelica Gu est arrivée en cours de fort bonne humeur – sans doute en raison du léger retard de son professeur, retenu par une réunion...
Angelica se dirigea en effet vers notre salle de classe en sautillant dans la cour d’une façon tout à fait leste mais bruyante : elle arborait ce que l’on appelle une « herbe de la pampa » ou sorte de roseau à plume qu’elle avait dû se procurer au cours de je ne sais quelle bucolique promenade, et qu’elle se faisait alors un malin plaisir d’agiter tapageusement sous le nez de ses camarades – camarades plutôt surpris voire effarouchés par les cris qui accompagnaient cette étrange cérémonie. 

En entrant dans la salle de classe, Angelica accepta tout de même de déposer son énigmatique sceptre entre les mains de son professeur de français – plus inquiet qu’étonné par le comportement de son élève,  qui semblait aux bords de la transe vaudou.

Angelica était, malgré l’abandon de son sémillant roseau à plume, toujours d’excellente humeur, mais pas de cette humeur docile mise au service du travail bien fait et de la satisfaction du devoir scolaire accompli. L’humeur en question était plutôt celle buissonnière qui se plaît à tous les débordements. En effet Angelica prit la parole plus que de raison non pour participer au cours mais pour le faire dérailler, avec force remarques déplacées et imitations de ce que pourrait dire le professeur devant une classe bavarde.
Angelica essayait une autre manière, légèrement plus policée, de se moquer de son enseignant – à moins qu’elle ne fût possédée par un esprit soucieux d’assister les enseignants en leur offrant un écho – en somme par une divinité bien intentionnée mais maladroite...

Le professeur, comme il se doit, intima l’ordre à son élève de cesser son « petit jeu » – ou plutôt lui fit comprendre qu’elle ne gagnerait pas à ce « petit jeu ». Ce à quoi elle répondit tout à trac : « Moi je perds jamais, je suis une winneuse ! »  S’en suivirent des considérations relativement fumeuses sur le vainqueur de la joute qu’elle tenait visiblement à avoir avec son professeur. Un autre esprit était-il venu visiter cette élève ? Une divinité plus sportive, assoiffée de défis à relever ?…

Le misérable enseignant, abandonné par les dieux, tenta d’exercer son pouvoir de coercition en déplaçant cette enfant bénie au fond de la classe (où elle gênerait moins le déroulement « normal » du cours), et en lui signifiant que, pour l’instant du moins, observation serait notée dans son carnet de liaison. Ce à quoi elle se contenta de répondre qu’elle ne craignait rien puisque sa mère n’allait pas lui mettre une « fessée »… Elle était au-dessus de cela…

Comme il fallait s’y attendre, car les bien-aimés des dieux l’emportent toujours sur les gentils et ne dévient jamais du chemin que le souffle divin leur inspire, l’observation dans le carnet ne changea pas une larme au comportement d’Angelica : en partant, elle prit de nouveau du champ avec son herbe de la pampa, après l’avoir heureusement dérobée à la vigilance de son professeur – qui avait pourtant, O sacrilège, osé profané l’objet en le jetant à la poubelle.

Ce rapport d’incident doit-il déclencher une procédure d’exorcisme ou bien est-il illégitime de demander des comptes à une enfant visitée par les dieux - auxquels l’auteur de ce rapport ne comprend visiblement rien ?

           
N.d.A. : les faits sont presque authentiques mais les noms, non...
(Clément Nivôse)

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