D'où vient que, sachant précaire cet appontement dans une mer qui a faim, nous décidions tout de même d'avancer sur cet embarcadère où aucun navire ne devrait accoster et où la terre est déjà loin ?
Notre regard ne voit déjà plus d'où sommes venus, et c'est à peine si nous voyons où nous pouvons espérer aller - lieu qui n'est encore, et ne restera sans doute, qu'une masse sombre et lointaine.
Précaire : "Qui ne s'exerce que par permission, que par tolérance, avec dépendance." (Dictionnaire de Littré)
De qui dépend-on, ou, au fond, qui nous tolère ?
Ces planches qui n'ont pas encore cédé ?
Cette mer qui veut bien ne pas nous engloutir encore ?
Ou les autorités alentour qui gardent ces côtes et ont posé au bout du wharf ces poteaux jaunes, ce ruban rouge et blanc, indicateurs immanquables d'une interdiction d'embarquer ?
Précaire : "...qui a peu de solidité, de force..." (Dictionnaire de Littré)
Le bois de ces planches, à peine un sol, est lui-même précaire dans ce monde marin qui le ronge et le tort, jusqu'à malmener notre équilibre - précaire encore.
Précaire : "Un précaire, un prêt obtenu par prière, et, de là, sorte de contrat de bail que des personnages puissants consentaient à de plus humbles" (Dictionnaire de Littré)
Humbles, nous qui sommes là, et qui prions ce qui nous nous dépasse de nous laisser déambuler ici , nous prêter encore un peu ce lieu - vivre entre terre et mer, entre solidité et engloutissement - entre-deux précaire.
"Par précaire, à titre de précaire, se dit des choses dont on ne jouit que par une concession toujours révocable."
Tel est ce wharf - où nous n'espérons rien au-delà que l'errance sur ces planches humides, terraquées...
"brooklyn by the sea
RépondreSupprimerdimanche après-midi
c'est une vieille promenade
sur de longues planches malades
c'est la mer noire en petit.." (mort shuman, brooklyn by the sea)
http://youtu.be/Me1DIAEQbRw